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07/01/2016 | FRANCE | N°2015-510

France | France, Conseil constitutionnel, 07 janvier 2016, 2015-510


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 octobre 2015 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 947 du 6 octobre 2015), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour l'association Expert-comptable média association par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa du paragraphe I de l'article L. 464-2 du code de commerce, enregistrée a

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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 octobre 2015 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 947 du 6 octobre 2015), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour l'association Expert-comptable média association par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa du paragraphe I de l'article L. 464-2 du code de commerce, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2015-510 QPC.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de commerce ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, enregistrées les 29 octobre et 13 novembre 2015 ;
Vu les observations produites pour l'Autorité de la concurrence, partie en défense, par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 29 octobre et 13 novembre 2015 ;
Vu les observations produites pour la Fédération nationale des associations de gestion agréées, partie en défense, par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 29 octobre et 13 novembre 2015 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 octobre 2015 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Joseph Vogel, avocat au barreau de Paris, et Me Denis Garreau pour l'association requérante, Me Jean-Philippe Duhamel pour l'Autorité de la concurrence, Me François Molinié pour la Fédération nationale des associations de gestion agréées et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 décembre 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le paragraphe I de l'article L. 464-2 du code de commerce est relatif aux sanctions pécuniaires pouvant être infligées par l'Autorité de la concurrence aux personnes responsables de pratiques anticoncurrentielles ; qu'aux termes du quatrième alinéa de ce paragraphe I dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 susvisée : « Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante » ;
2. Considérant que, selon l'association requérante, en prévoyant un maximum de la sanction pécuniaire en valeur absolue lorsque la personne qui a commis l'infraction n'est pas une entreprise, alors que ce maximum est fixé en pourcentage du chiffre d'affaires lorsque cette personne est une entreprise, les dispositions contestées créent une différence de traitement injustifiée en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ; que la définition insuffisante de l'entreprise au sens et pour l'application des dispositions contestées porterait également atteinte au principe de légalité des peines ;
- SUR LA RECEVABILITÉ :
3. Considérant qu'il ressort des dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée et du troisième alinéa de son article 23-5 que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ;
4. Considérant que le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 dans les considérants 13 à 22 de sa décision du 14 octobre 2015 susvisée et les a déclarées conformes à la Constitution dans le dispositif de cette décision ; qu'en l'absence de changement de circonstances, il n'y a pas lieu de procéder à un nouvel examen de ces dispositions ;
- SUR LE FOND :
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant qu'en instituant une sanction pécuniaire destinée à réprimer les pratiques anticoncurrentielles, le législateur a poursuivi l'objectif de préservation de l'ordre public économique ; qu'un tel objectif implique que le montant des sanctions fixées par la loi soit suffisamment dissuasif pour remplir la fonction de prévention des infractions assignée à la punition ;
7. Considérant qu'au stade de la détermination du montant de la sanction pécuniaire infligée et pour son individualisation, le législateur a, en se référant à la notion d'entreprise, entendu distinguer les personnes condamnées en fonction de la nature de leurs facultés contributives respectives ; qu'il a ainsi fixé un montant maximum de la sanction pécuniaire proportionné au montant du chiffre d'affaires pour celles qui sont constituées selon l'un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d'un but lucratif et fixé en valeur absolue le montant de ladite sanction pour les autres contrevenants ; que la différence de traitement résultant des dispositions contestées est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des peines :
8. Considérant que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le respect de ce principe impose au législateur d'indiquer précisément le montant maximum de la peine encourue ; que les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition ;
9. Considérant qu'en différenciant, pour fixer le montant maximum de la sanction, les contrevenants qui sont constitués sous l'un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d'un but lucratif et les autres, le législateur s'est référé à des catégories juridiques précises permettant de déterminer la peine encourue avec une certitude suffisante ; que le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des peines doit être écarté ;
10. Considérant que les dispositions de la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- La première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce est conforme à la Constitution.

Article 2.- Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les deux dernières phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 janvier 2016, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.


Synthèse
Numéro de décision : 2015-510
Date de la décision : 07/01/2016
Association Expert-comptable média association [Sanctions pécuniaires prononcées par l'Autorité de la concurrence]
Sens de l'arrêt : Conformité - non lieu à statuer
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 07 janvier 2016 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 07 janvier 2016 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2015-510 QPC du 07 janvier 2016
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2016:2015.510.QPC
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